Depuis plusieurs années, une tendance se dessine chez les marocains du monde : celle de délaisser les grandes métropoles saturées pour investir dans des villes à taille humaine, riches en potentiel et en promesses de rentabilité. Cette mutation n’est pas anodine. Elle est le fruit d’un double effet : d’une part, le renchérissement du foncier et le ralentissement des opportunités dans les grandes villes ; d’autre part, une volonté croissante de contribuer au développement régional du pays, souvent en lien avec leurs régions d’origine.
Selon une étude de la Fondation Hassan II, plus de 42 % des MRE interrogés en 2024 déclarent vouloir investir dans des villes secondaires ou émergentes, contre à peine 23 % dix ans auparavant. Parmi ces villes, Oujda, Benslimane et Errachidia figurent désormais en tête de liste. Pourquoi ce trio ? Quels sont les leviers économiques, logistiques et sociaux qui font leur succès ?
Oujda : de ville de l’Oriental à pôle stratégique de l’innovation
Autrefois perçue comme marginale, Oujda est aujourd’hui en pleine mutation. Son positionnement à la frontière de l’Algérie et proche de l’Europe en fait un carrefour géostratégique majeur. Les autorités locales, appuyées par le gouvernement central et des bailleurs internationaux, ont fait de la ville un laboratoire de développement multisectoriel.
Le moteur de cette transformation, c’est sans doute la Technopole d’Oujda, un projet intégré qui regroupe des centres de recherche, des entreprises technologiques, des industries vertes et un pôle universitaire. Couplée à une zone logistique et industrielle en pleine expansion, cette technopole attire des investissements structurants, notamment dans les domaines de l’offshoring, des énergies renouvelables et de l’électronique.
Les MRE sont directement ciblés par des dispositifs incitatifs : accompagnement personnalisé par le CRI de l’Oriental, exonérations fiscales sur certaines activités et guichets dédiés à la diaspora. De plus, des projets urbains comme Oujda City Center offrent un cadre idéal pour des investissements immobiliers à fort potentiel locatif et patrimonial. La ville attire également pour son cadre de vie rénové, grâce à la modernisation des transports, de l’offre de santé et des espaces verts.
Benslimane : le pari d’un équilibre entre ville verte et pôle sportif international
Longtemps discrète, Benslimane s’impose désormais comme l’un des chantiers les plus prometteurs du Royaume. Sa proximité immédiate avec Casablanca (moins de 40 minutes) en fait une alternative stratégique pour l’habitat et les affaires, surtout à l’heure où la capitale économique étouffe sous la pression foncière et urbaine.
Le grand tournant a été l’annonce du stade de la Coupe du Monde 2030, infrastructure titanesque qui bouleverse l’urbanisme local. Cette décision a catalysé l’intérêt des promoteurs, des architectes et des investisseurs MRE, qui voient dans Benslimane un nouveau pôle d’attractivité à fort rendement. Le foncier, bien que déjà en hausse, reste abordable, surtout pour des investissements à long terme.
Mais Benslimane séduit aussi par sa vocation écologique. La ville se veut pionnière dans le développement durable, avec des programmes d’aménagement bas-carbone, une valorisation des espaces naturels, et une politique incitative pour les écoquartiers. Des projets immobiliers visant la diaspora sont en cours : résidences intelligentes, maisons en matériaux biosourcés, zones d’activités mixtes, etc.
Les autorités locales tablent également sur l’économie du sport en lien avec le grand stade, pour attirer des investissements dans l’hôtellerie, la restauration, la formation et le tourisme sportif. Les MRE peuvent y jouer un rôle clé, en tant que porteurs de projets mais aussi comme relais d’expertise.
Errachidia : la revanche du désert, un écosystème en devenir
Errachidia n’est pas qu’un point de passage vers le Sahara. Elle est en passe de devenir un hub de tourisme responsable et d’énergie solaire. Le désert, autrefois perçu comme un handicap, est aujourd’hui un atout dans un contexte mondial obsédé par la durabilité et la transition énergétique.
La région attire une nouvelle génération de MRE, souvent issus de la vallée du Ziz ou du Tafilalet, qui souhaitent retourner au pays autrement : en créant des campements écologiques, des coopératives de produits naturels ou en investissant dans le solaire. Le programme Noor Midelt, à proximité, stimule toute une économie verte, du câblage à la gestion énergétique des ménages.
Côté tourisme, l’essor de l’écotourisme expérientiel (bivouacs de luxe, circuits culturels amazighs, slow travel) offre des opportunités inédites, notamment pour les MRE installés en France, en Belgique ou au Canada. Les coûts d’entrée sont faibles, les partenaires locaux disponibles et les circuits de financement de plus en plus accessibles grâce aux programmes régionaux.
Sans oublier qu’Errachidia bénéficie d’un réseau universitaire en développement, qui attire de jeunes talents et renforce l’implantation de services éducatifs et de recherche. Ce terreau intellectuel intéresse les MRE du secteur académique ou de la santé, qui peuvent y monter des projets à impact social.
Vers une stratégie nationale de territorialisation de l’investissement MRE ?
Ces villes ne sont pas des cas isolés. Elles sont le reflet d’un nouveau paradigme national, où la contribution des MRE n’est plus cantonnée aux transferts de fonds, mais s’étend à l’innovation, au savoir-faire et à l’aménagement des territoires. Ce changement de posture appelle une nouvelle stratégie publique.
Le Maroc gagnerait à mettre en place un observatoire des investissements MRE par territoire, à simplifier davantage les démarches administratives (notamment à distance), et à développer un storytelling territorial attractif à travers ses ambassades, consulats et représentations économiques.
Investir là où le futur se construit
Oujda, Benslimane et Errachidia ne sont pas seulement des points sur une carte. Elles représentent une vision nouvelle du Maroc : inclusive, équilibrée et ambitieuse. Pour les marocains du monde, elles offrent bien plus qu’un retour aux sources : elles ouvrent la voie à une participation active à la refondation économique et sociale du pays. Investir dans ces villes, c’est investir dans l’avenir, le leur, celui de leurs enfants et celui du Maroc tout entier.