Des migrants victimes d’un réseau de location illégale de main-d’œuvre
Un vent de scandale secoue le Canada. Une enquête de la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) révèle des faits graves d’exploitation de travailleurs migrants, comparables à de l’esclavage moderne. En cause : des agences de recrutement qui, sous couvert de contrats légaux, « louent » illégalement des travailleurs étrangers temporaires, notamment marocains, à des entreprises tierces. Une pratique interdite par la loi canadienne et qui place ces travailleurs dans une situation extrêmement précaire.
L’agence Iris au cœur de la tempête
L’agence Iris, basée à Châteauguay, en Montérégie, et dirigée par Dieudonné Nidufasha, est en première ligne decette affaire. Accusée d’avoir orchestré un vaste réseau de placement illégal, elle aurait exploité des travailleurs venus d’Afrique, en particulier du Maroc. Les chiffres donnent le vertige : plus de 180 placements, dont une cinquantaine réalisés via des permis de travail fermés dans pas moins de 18 entreprises québécoises. Certainesplaintes, désormais devant les tribunaux, réclament près de 100 000 dollars canadiens de salaires non versés.
Des témoignages accablants et des vies brisées
Les témoignages sont bouleversants. Une ancienne employée raconte, la gorge nouée : « C’était moralementinsoutenable, je pleurais chaque soir, je voulais rentrer dans mon pays. » Recrutée pour un postespécifique, elle s’est retrouvée isolée dans une résidence pour personnes âgées à Rivière-du-Loup, loin de ce que son contrat prévoyait. Comme elle, plusieurs autres travailleurs affirment avoir été dupés. Recrutés pour opérer des machines, ils se retrouvaient à soigner des aînés, sous prétexte que leur contrat le permettait.
Les employés sont à nous : une logique d’appropriation inacceptable
Face aux accusations, Dieudonné Nidufasha persiste. Selon lui, les employés « appartiennent » à son agence, mêmelorsqu’ils sont placés ailleurs. Une déclaration qui fait bondir les spécialistes du droit. « Ça ne marche pas comme ça ! », tranche Dalia Gesualdi-Fecteau, professeure à l’Université de Montréal.
Quant à Me Krishna Gagné, avocate spécialisée en droit de l’immigration, elle s’inquiète :
« Ce qu’il fait est extrêmement risqué et totalement contraire à l’esprit du programme des travailleurs étrangers temporaires. Ce programme vise à protéger ces travailleurs, pas à les transformer en marchandise. »
La protection des migrants, un enjeu fondamental pour le Canada
L’enquête de la CNESST et les actions en justice engagées pourraient marquer un tournant. Cette affaire met en lumière les failles d’un système supposé protéger les migrants, mais qui, dans certains cas, les enferme dans un cycle d’exploitation. Il devient urgent pour les autorités canadiennes de renforcer les contrôles, d’encadrer les agences de placement et de garantir des recours efficaces aux travailleurs abusés.
Un appel à la vigilance et à la justice
Alors que le Canada se targue d’être un pays accueillant et respectueux des droits humains, ce scandale rappelle lanécessité de rester vigilant. Pour les travailleurs marocains et les autres migrants concernés, il s’agit désormais de faire entendre leur voix, de réclamer justice et de s’assurer que plus jamais, un contrat de travail ne devienne un piège.