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samedi 3 mai 2025
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L’avenir des étudiants marocains aux USA : entre espoir et incertitude

Ils ont quitté leur pays, leurs repères, leur famille pour poursuivre un rêve : étudier, réussir et construire un avenir meilleur. Mais pour des centaines de jeunes marocains installés aux États-Unis, ce rêve tourne au cauchemar. À tout moment, leur visa peut être annulé. Une erreur administrative, un document oublié, un délai dépassé… et c’est toute une vie qui s’effondre. Plongée au cœur d’un rêve américain de plus en plus fragile.

L’Amérique, à quel prix ?

Aux premiers jours de septembre, les campus américains s’animent comme des ruches. Des étudiants venus du monde entier s’installent dans les résidences universitaires, découvrent les amphithéâtres, posent fièrement sur les marches des bibliothèques. Parmi eux, des étudiants marocains, venus chercher bien plus qu’un diplôme : une promesse d’ascension sociale, de liberté et d’accomplissement. Mais cette promesse a un coût ! Et depuis quelques années, le prix à payer dépasse de loin les frais de scolarité.

Un climat de méfiance devenu la norme

Le rêve américain a changé de visage après le 11 septembre 2001. Ce jour-là, la sécurité nationale est devenue la priorité absolue. Les services d’immigration ont renforcé les contrôles, les universités ont dû numériser les profils des étudiants étrangers et chaque visa est devenu un privilège précaire, soumis à surveillance. « On ne peut plus faire confiance au système, on peut être expulsé pour une signature oubliée », déclare un jeune doctorant marocain en ingénierie.

Sous l’administration Trump, cette réalité s’est durcie : discours anti-immigration, coupes dans les programmes d’accueil, extension des pouvoirs de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement). Résultat : une incertitude constante plane sur les épaules de milliers d’étudiants étrangers.

Les chiffres qui inquiètent

Selon NAFSA (Association pour l’Éducation Internationale), plus de 1300 étudiants ont perdu leur visa ou leur statut en une seule année. Non pas parce qu’ils ont triché ou violé la loi, mais souvent pour des erreurs techniques ou des délais non respectés.

Parmi eux, de nombreux marocains, dont la communauté étudiante n’est pas recensée officiellement mais se compterait par milliers, tous niveaux confondus :

  • 500 000 étudiants étrangers en cycle supérieur aux États-Unis
  • 342 000 en licence
  • 242 000 dans le programme OPT, dont une partie sont des marocains récemment diplômés.

OPT : le sésame vers le marché du travail menacé

Le programme OPT (Optional Practical Training) est la dernière étape du parcours pour beaucoup de jeunes marocains. Il leur permet de rester aux États-Unis un à trois ans après leur diplôme, pour y acquérir une première expérience professionnelle, notamment dans les domaines des sciences, des technologies et des mathématiques.

Mais ce programme, autrefois stratégique pour l’attractivité des universités américaines, est désormais sur la sellette. Allongement des délais, vérifications renforcées, rejets arbitraires…

« J’avais une offre de stage bien payée chez Amazon, j’ai attendu mon autorisation de travail pendant 6 mois. Elle n’est jamais arrivée. J’ai dû rentrer», raconte une jeune diplômée en informatique.

Une pression administrative insoutenable

La gestion des visas étudiants repose aujourd’hui sur un système informatisé, le SEVIS, directement connecté aux services de l’immigration. Chaque absence non justifiée, chaque retard dans les documents, chaque modification d’adresse doit être signalée sous peine de sanction.

Le problème ? Les étudiants, souvent livrés à eux-mêmes, ne mesurent pas toujours les conséquences de leurs erreurs. Un étudiant a perdu son visa pour avoir pris trop peu de crédits dans un semestre, pensant que c’était autorisé. Résultat : statut révoqué, obligation de quitter le territoire dans les 30 jours.

Des vies suspendues, des identités bousculées

Ceux qui restent vivent dans une tension permanente. Ils évitent les voyages, les changements de logement, les déclarations maladroites. Le moindre courrier officiel les plonge dans l’angoisse.

« Je ne dors plus bien. J’ai toujours peur de rater un e-mail de l’université ou du service d’immigration. C’est comme si j’étais coupable d’avance », confie un étudiant en médecine.

Ces jeunes, brillants, investis, souvent soutenus par des familles entières, se retrouvent piégés dans un labyrinthe administratif. Une spirale kafkaïenne où le droit devient flou et les recours rares.

Et le Maroc dans tout ça ?

Face à cette situation, les associations de la diaspora marocaine tentent de jouer un rôle. À New York, Chicago ou Washington, des collectifs s’organisent pour informer, orienter et rassurer.

Mais malheureusement les moyens sont limités. Certains consulats offrent un soutien ponctuel, mais aucun programme structuré n’existe pour protéger les jeunes MRE dans ce contexte.

« On est les ambassadeurs de notre pays, mais on se sent seuls. Même en cas de crise, il n’y a pas de dispositif d’urgence pour nous aider », déplore un étudiant expulsé après un visa non renouvelé à temps.

Le retour au pays : une double peine

Rentrer au Maroc n’est pas toujours synonyme de soulagement. Pour beaucoup, c’est un retour amer, vécu comme un échec. Leur parcours est incompris, leur CV jugé  trop américanisé, leurs diplômes parfois mal reconnus. Sans compter le choc psychologique d’un rêve interrompu brutalement. « Je suis revenue après trois ans de fac à New York. Je croyais pouvoir rebondir, mais personne ne comprenait ce que j’avais vécu. On m’a dit : Tu n’as qu’à enseigner l’anglais.»

Une génération sacrifiée ?

Ce n’est pas seulement une question de visas. C’est une question d’avenir, d’espoir et d’équilibre mental. Ces étudiants marocains incarnent une génération globalisée, polyglotte et ambitieuse. Mais leur mobilité est de plus en plus entravée.

Sans réponses, sans soutien, sans changement, c’est toute une jeunesse qui risque d’être sacrifiée sur l’autel des politiques sécuritaires et des failles administratives.

Se mobiliser pour ne plus subir

Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas seulement le sort d’étudiants isolés, mais l’avenir d’une jeunesse marocaine ambitieuse, prête à porter haut les couleurs du pays à l’étranger. Le Maroc ne peut plus rester spectateur. Il doit informer avant le départ, soutenir pendant le séjour et accueillir avec dignité ceux qui reviennent malgré eux.

Mais cette mobilisation ne peut venir des institutions seules. Elle doit aussi jaillir des familles, des médias, de la diaspora, des enseignants, des anciens étudiants et de tous ceux qui croient que le savoir est un droit, pas un privilège soumis aux aléas politiques.

Car chaque jeune qu’on abandonne face à une expulsion ou un visa refusé, c’est une promesse que l’on trahit. Et c’est tout un pays qui perd une force vive, un talent et une voix.

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