Une nouvelle ère s’ouvre pour l’industrie aéronautique marocaine. Le 1er mai 2025 restera gravé comme le jour où Casablanca a officiellement pris son envol aux côtés des plus grands noms du secteur, grâce à l’annonce retentissante d’Airbus : l’acquisition du site de Spirit AeroSystems au Maroc pour 439 millions de dollars. Rebaptisée “Airbus Atlantic Maroc Aero“, cette usine devient une pièce maîtresse dans le puzzle industriel de l’avionneur européen, marquant un tournant stratégique pour la présence d’Airbus en Afrique et dans la région MENA.
L’accord signé avec Spirit AeroSystems, acteur de premier plan dans la fabrication de structures aéronautiques, s’inscrit dans un projet global d’Airbus visant à sécuriser, internaliser et renforcer sa chaîne d’approvisionnement mondiale. En s’appropriant le site de Casablanca, Airbus affiche une ambition claire : faire du Maroc un maillon essentiel de sa production industrielle, au même titre que ses implantations historiques en Europe et en Amérique du Nord.
L’usine casablancaise, en activité depuis 2022, s’étend sur plus de 25 000 m² et emploie aujourd’hui près de 800 collaborateurs. Elle produit déjà des éléments cruciaux tels que les composants d’aile pour l’A220 ou encore des sections de fuselage de l’A321, deux modèles en forte demande sur le marché des avions commerciaux de moyenne capacité. Avec cette intégration, Airbus prévoit une montée en puissance rapide du site, tant en volume de production qu’en effectifs, avec un objectif de 1 000 emplois dans les prochaines années. Le Maroc, déjà reconnu pour ses performances dans l’automobile, affirme ainsi son ambition de devenir un pôle de haute technicité dans l’aéronautique mondiale.
Au-delà de la simple acquisition d’une usine, cette opération s’inscrit dans une logique de consolidation industrielle d’envergure. En parallèle, Airbus a également récupéré des sites stratégiques de Spirit AeroSystems situés à Saint-Nazaire (France), Belfast (Irlande du Nord), Kinston (Caroline du Nord, USA) et Wichita (Kansas, USA). Ces sites sont notamment impliqués dans la fabrication de pièces maîtresses pour les modèles A350 et A220. Le nouvel ensemble constitué permettra à Airbus de renforcer la résilience de sa chaîne de valeur face aux perturbations logistiques mondiales, tout en rationalisant les flux de production pour répondre à la montée en cadence attendue dans les années à venir.
Le cas marocain mérite une attention particulière. En intégrant ce site dans son réseau global sous la bannière “Airbus Atlantic Maroc Aero“, le géant européen envoie un signal fort : le Royaume du Maroc est désormais un partenaire industriel à part entière, et non plus un simple sous-traitant périphérique. Ce changement de paradigme pourrait avoir des retombées majeures pour l’écosystème local : création d’emplois hautement qualifiés, montée en compétence des ingénieurs marocains, développement de filières annexes (maintenance, matériaux composites, logistique aéronautique) et attractivité renforcée pour les investissements étrangers dans le secteur.
L’impact géopolitique n’est pas non plus à négliger. À travers cette opération, Airbus positionne stratégiquement ses capacités de production sur trois continents et s’assure une flexibilité accrue dans un monde où les tensions commerciales, les ruptures d’approvisionnement et la compétition technologique dictent les règles du jeu. Le choix du Maroc s’explique par la stabilité politique du pays, ses accords de libre-échange avec de nombreuses régions, et surtout la forte volonté des autorités de faire du secteur aéronautique un moteur de croissance et d’innovation.
Enfin, cette acquisition s’inscrit dans un contexte de reconfiguration profonde du paysage aéronautique mondial. Alors qu’Airbus renforce son emprise industrielle, Boeing, autre client majeur de Spirit AeroSystems, a pour sa part annoncé son intention de reprendre les activités de Spirit non incluses dans l’accord conclu avec Airbus. Cette opération, estimée à 8,3 milliards de dollars en tenant compte de la dette, souligne l’intensification de la course à la maîtrise de la chaîne de production. Elle illustre une reconfiguration en profondeur du paysage aéronautique mondial, où les géants de l’aviation revoient leurs stratégies industrielles dans un contexte où souveraineté technologique et résilience logistique sont devenues essentielles.
La finalisation de l’opération est attendue pour le troisième trimestre 2025, après validation des autorités réglementaires. Elle consacrera définitivement la transformation du site de Casablanca en centre névralgique du dispositif Airbus, sous le nouveau nom “Airbus Atlantic Maroc Aero“. Un nom qui symbolise à lui seul l’intégration du Maroc dans une nouvelle géographie industrielle, où Casablanca regarde désormais vers le ciel et vers l’avenir.