Le Maroc se prépare à marquer les esprits lors de la 19ème Biennale d’Architecture de Venise, qui se tiendra du 10 mai au 26 novembre 2025. À l’occasion de cette première participation d’envergure, le Royaume présentera « Materiae Palimpsest », une œuvre forte et engagée portée par deux architectes marocains visionnaires : El Mehdi Belyasmine et Khalil Morad El Ghilali. Un projet audacieux qui incarne une réflexion profonde sur l’architecture, le patrimoine et l’avenir.
Un duo créatif pour porter la voix du Maroc
Diplômés de l’ULB La Cambre Horta à Bruxelles, les architectes El Mehdi Belyasmine et Khalil Morad El Ghilali unissent pour la première fois leurs univers créatifs dans un projet commun. À travers l’Atelier BE, El Ghilali explore les synergies entre architecture, écologie et technologie de pointe, tandis que Belyasmine, fondateur de Belyas.co, déploie une approche innovante ancrée dans la durabilité et le numérique.
Leur proposition s’est distinguée parmi dix projets en lice lors du concours national lancé par les ministères de la Culture et de l’Urbanisme. Si le commissariat du pavillon marocain est assuré par Mohamed Benyacoub, la conception artistique et scénographique a été confiée intégralement au duo, qui s’est entouré de plus de 50 talents marocains : artistes, designers, ingénieurs et artisans pour donner vie à une œuvre collective ambitieuse.
Materiae Palimpsest : une ode sensorielle
Au cœur du pavillon marocain, « Materiae Palimpsest » se déploie comme une réflexion vivante sur l’architecture, non pas comme une forme figée, mais comme une mémoire en mouvement. Ici, aucun édifice à contempler, mais une expérience à ressentir : celle d’un retour aux origines, là où la matière devient récit.
Une vaste pyramide de 17 mètres de côté abrite une agora centrale, conçue comme un espace de rencontre entre les sens, les savoirs et les époques. Autour, 72 colonnes en matériaux traditionnels (terre battue, chaux, pierre ciselée.. .) s’élèvent comme des témoins silencieux d’un patrimoine vivant. Chaque colonne, par sa texture, sa couleur et sa forme, trace une cartographie sensible des techniques ancestrales marocaines.
Suspendus au plafond, 2.400 outils anciens flottent dans l’espace, tels des fragments d’histoire réassemblés en une constellation inspirée du mouqarnas. Cette sculpture aérienne rend hommage aux gestes oubliés, aux mains qui ont façonné le territoire, tout en interrogeant notre rapport contemporain à la technologie, à la transmission et à la création.
Un dialogue entre passé et futur
Les visiteurs auront l’opportunité d’interagir avec des hologrammes d’artisans marocains, l’un en train de modeler la terre, l’autre tissant la matière. Ce dialogue fascinant entre tradition et modernité met en lumière la transmission des savoir-faire à travers les générations. Cette expérience sera magnifiée par une bande sonore immersive, mêlant bruits de chantiers ancestraux, chants rituels et un extrait d’un discours visionnaire de feu Hassan II, dans lequel il évoquait « l’intelligence qui se dégage du sol ».
Un projet qui interroge, inspire et réinvente
À travers « Materiae Palimpsest », le Maroc ne se contente pas de présenter une œuvre, il suscite une réflexion : Quelle place pour les artisans dans l’architecture contemporaine ? Comment préserver et réinventer les techniques vernaculaires ? Peut-on envisager la modernité comme un prolongement de l’intelligence ancestrale du passé ?
En choisissant d’immerger le public dans une exposition à la fois sensible et conceptuelle, profondément enracinée dans le réel, les architectes Belyasmine et El Ghilali prennent une position audacieuse : l’architecture marocaine n’est pas un simple ornement, mais un langage vivant. Un palimpseste où se mêlent matières, gestes et mémoires, à redécouvrir et à faire résonner pour les générations futures. Materiae Palimpsest incarne cette vision ambitieuse, où chaque strate, chaque matière, porte en elle un message intemporel.
Un rendez-vous incontournable à l’Arsenale
Installé dans le cadre prestigieux de l’Arsenale à Venise, le pavillon marocain propose une expérience unique qui dépasse les attentes. Loin des clichés folkloriques ou d’une vision figée du passé, il invite à une réflexion profonde sur le rôle de l’architecture face aux enjeux de demain, fusionnant durabilité, technologies avancées et humanisme.
Avec « Materiae Palimpsest », le Maroc s’impose sur la scène internationale, offrant un projet à la fois sensible, audacieux et poétique, enraciné dans son patrimoine tout en se projetant vers l’avenir. À travers ce pavillon, le pays ne se contente pas de présenter une œuvre architecturale, il ouvre une porte vers une nouvelle manière de penser la construction et l’environnement. Un véritable manifeste pour une architecture qui parle du passé tout en réinventant le futur.