Chargement...
samedi 3 mai 2025
Chargement...

Transferts des MRE : un potentiel colossal encore sous-exploité

Les Marocains résidant à l’étranger continuent de jouer un rôle crucial dans la stabilité économique du Royaume, mais des voix s’élèvent pour questionner l’impact réel et l’efficacité de l’utilisation de leurs transferts financiers. Selon une récente note d’orientation publiée par le Bureau sous-régional pour l’Afrique du Nord de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), ces fonds représentent un levier stratégique pour le développement du Maroc, mais leur potentiel reste en grande partie inexploité.

En 2023, les transferts des MRE ont atteint un niveau record de 11,8 milliards de dollars, enregistrant une hausse de 5,2 % par rapport à 2022. Ils représentent aujourd’hui 8,6 % du produit intérieur brut (PIB) national, dépassant de loin les investissements directs étrangers et l’aide publique au développement. Cette tendance devrait se poursuivre, puisque Bank Al-Maghrib prévoit que ces transferts atteindront les 12 milliards de dollars à l’horizon 2025. Dans un contexte mondial marqué par des crises successives : pandémie, conflits géopolitiques, instabilité des marchés…, cette résilience des transferts constitue un filet de sécurité macroéconomique essentiel pour le Royaume.

Les près de cinq millions de MRE, installés majoritairement en Europe (France, Espagne, Belgique, Italie, Pays-Bas), contribuent activement au financement de la consommation des ménages, à la lutte contre la pauvreté et à la réduction des inégalités sociales dans les régions rurales et périurbaines. Ils soutiennent également leurs familles dans des domaines aussi vitaux que la santé, l’éducation ou encore le logement. Mais malgré cet apport massif et constant, un constat s’impose : ces ressources ne sont pas toujours canalisées vers des projets productifs à forte valeur ajoutée.

La question de l’orientation de ces transferts reste donc centrale. Une grande partie de ces fonds est absorbée par la consommation courante ou investie dans l’immobilier, au détriment d’activités créatrices d’emplois ou de richesse à long terme. Plusieurs experts économiques et institutions internationales appellent ainsi à une refonte de la stratégie nationale pour mieux mobiliser l’épargne des MRE, en la dirigeant vers l’entrepreneuriat, l’économie verte, l’innovation, ou encore l’économie sociale et solidaire.

Le manque de dispositifs attractifs, d’accompagnement personnalisé, ou encore de canaux sécurisés d’investissement constitue un frein majeur à l’implication économique directe de la diaspora. De nombreux MRE se disent prêts à investir dans leur pays d’origine, mais réclament plus de transparence, de garanties, ainsi qu’un environnement des affaires plus stable et plus favorable à l’investissement.

Le gouvernement marocain a pourtant multiplié les initiatives pour intégrer davantage la diaspora dans le développement national, à travers notamment des campagnes de sensibilisation, la mise en place de guichets dédiés, ou encore l’adoption de politiques incitatives. Mais les résultats ne répondent pas aux attentes, et un écart persiste entre le potentiel réel des MRE et leur intégration effective dans les dynamiques économiques et territoriales du pays.

Dans ce contexte, la note de la CEA invite à repenser en profondeur le rôle des MRE, non plus seulement comme contributeurs ponctuels à l’économie nationale, mais comme partenaires à part entière du développement. Il est urgent, selon l’organisme onusien, de mettre en place un cadre stratégique cohérent, fondé sur la confiance, la transparence, l’innovation et l’inclusion, pour transformer cette manne en moteur de croissance durable et inclusive.

Les transferts des MRE, s’ils sont mieux orientés, pourraient ainsi devenir non seulement un rempart contre les crises, mais aussi un pilier de la transformation structurelle du Maroc, à l’heure où le pays cherche à renforcer sa souveraineté économique et à réduire ses vulnérabilités face aux chocs externes.

AUTRES ARTICLES

- PUBLICITÉ -